La science de la satisfaction sexuelle
*Traduction: Sarah Idrissi
Une vie sexuelle heureuse est un élément important d'une vie épanouie.
La notion de vie sexuelle heureuse est subjective, car nos désirs, attentes et besoins sexuels diffèrent et évoluent avec l'âge. Certaines personnes veulent avoir des rapports sexuels tous les jours, tandis que d'autres sont satisfaites de ne jamais en avoir de leur vie.
La subjectivité de la satisfaction sexuelle est une considération importante dans la recherche et le diagnostic des dysfonctionnements sexuels. Dans l'enquête sur la qualité de vie de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les quatre questions qui portent sur la vie sexuelle des participants sont toutes subjectives (1). Par ailleurs, bien qu'environ 4 femmes sur 10 déclarent souffrir d'une forme ou d'une autre de dysfonctionnement sexuel, un peu plus d'une sur 10 indique que ce dysfonctionnement a un impact négatif sur sa vie ( 2-5), ce qui suggère qu'une vie sexuelle satisfaisante ne signifie pas une vie sexuelle "parfaite".
Malgré cette subjectivité, il existe des facteurs biologiques, psychologiques, physiques, relationnels et socio-environnementaux qui peuvent affecter positivement ou négativement notre vie sexuelle. Certains de ces facteurs sont modifiables, tandis que d'autres, comme le vieillissement, ne le sont pas (2-4). Quel que soit le degré de contr ôle que nous exerçons sur ces facteurs, le fait de comprendre que notre fonction sexuelle n'est pas toujours entièrement sous notre influence consciente peut réduire la stigmatisation et encourager les gens à discuter de leurs problèmes de santé sexuelle avec leurs professionnel·le·s de santé.
Anatomie et plaisir sexuel
Notre compréhension des liens entre le système reproducteur féminin et le plaisir sexuel est incomplète. On s'accorde généralement à dire que la stimulation du clitoris et des terminaisons nerveuses de l'appareil reproducteur féminin peut conduire au plaisir et à l'orgasme, mais les scientifiques débattent de l'existence et de la localisation du point de Gräfenberg, plus connu sous le nom de "point G" (6-8).
Il y a peu d'explications au point G. Certaines recherches ont avancé que le point G serait un ensemble de terminaisons nerveuses reliées au nerf pudendal, ou bien une zone très sensible qui déclencherait des sensations dans le vagin, pour le clitoris et dans l'urètre (6,7). Par ailleurs, comme le clitoris peut bouger pendant l'excitation et les rapports sexuels, certain·e·s scientifiques suggèrent que le point G fait partie du clitoris ou que ce dernier pourrait être stimulé pendant la pénétration en raison de son mouvement (6). Étant donné que les sensibilités nerveuses et musculaires peuvent être et sont probablement différentes chez la plupart des femmes, il est possible que le point G ne soit pas situé au même endroit ou n'existe pas chez toutes les femmes (6, 7).
De même, compte tenu des différences de sensibilité physique au toucher et à la stimulation, une personne peut être stimulée sexuellement par une interaction avec des parties de son corps autres que ses organes génitaux.
Catégories des fonctions sexuelles
Dans la recherche et la médecine, les difficultés sexuelles sont généralement divisées en quatre catégories principales :
Le désir, qui fait référence à l'intérêt pour le sexe
L'excitation, qui fait référence aux changements physiques, tels que la lubrification, et émotionnels ressentis au cours de pensées ou d'activités sexuelles
Orgasme / satisfaction
Douleur physique (2, 4--6)
En fonction de ces travaux de recherche, les catégories peuvent devenir plus spécifiques. Par exemple, les scientifiques qui étudient la douleur physique associée aux rapports sexuels s'intéressent généralement à l'emplacement et à l'apparition de celle-ci (6), car la précision des informations peut permettre d'améliorer le traitement ou de mieux comprendre la cause sous-jacente.
Du fait de la fréquence des dysfonctionnements sexuels (environ 4 femmes sur 10), un diagnostic de trouble de la fonction sexuelle exige que le dysfonctionnement ait un impact sérieux sur la qualité de vie de la personne (2).
Facteurs biologiques
L'âge influe fortement notre vie sexuelle (2-5, 7-9). Au fur et à mesure que les personnes vieillissent, elles commencent à signaler davantage de dysfonctionnements sexuels, en particulier au moment de la périménopause, ou transition, et de la ménopause (2-5, 7-9). Cette augmentation des dysfonctionnements sexuels est très probablement liée non seulement à un changement hormonal mais aussi à une dégradation de l'état de santé (2-5, 7-9).
L'âge ne détériore pas nécessairement tous les aspects de la fonction sexuelle. Par exemple, dans une étude portant sur plus de 2 600 Iraniennes, les femmes âgées de 50 à 60 ans étaient presque cinq fois plus susceptibles de souffrir de troubles de l'excitation que les femmes de 20 à 29 ans (5). Toutefois, dans cette même étude, les femmes de 50 à 60 ans étaient deux fois moins susceptibles de signaler un dysfonctionnement lié à la douleur que les femmes âgées de 20 à 29 ans (5). Il est possible que ces chiffres soient influencés par des disparités socioculturelles entre les groupes d'âge, mais ils peuvent aussi refléter les changements positifs qui se produisent dans le corps avec l'âge.
Le cycle menstruel peut également affecter la vie sexuelle d'une personne. Dans une étude portant sur 43 femmes hétérosexuelles, les résultats ont montré que lorsque la concentration en progénestérone augmente dans les échantillons de salive, les participant·e·s déclarent que leur désir sexuel envers leur partenaire diminue (10). Ce résultat a une explication physiologique, car les taux de progestérone augmentent après l'ovulation et pendant la période où il est très improbable que les rapports sexuels mènent à une grossesse, de sorte que le corps d'une personne peut ne pas être aussi enclin à avoir des rapports sexuels qu'à d'autres moments de son cycle.
Facteurs psychologiques, physiques et pharmaceutiques
Il existe de nombreux facteurs psychologiques, physiques et pharmaceutiques qui affectent la fonction sexuelle. Ceux-ci incluent :
Les lésions du système nerveux (ex : la colonne vertébrale)L
es lésions de l'appareil reproducteur
La dépression
Les antidépresseurs, en particulier les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS)
La chirurgie des organes reproducteurs, telle que l'hystérectomie
Le diabète
L'incontinence urinaire
L' endométriose
Les maladies cardio-vasculaires
L'hypertension
L'obésité et un tour de taille élevé
La contraception hormonale
L'activité physique (2, 4, 6, 9, 11-16, 20-22)
Certains facteurs qui nuisent à la fonction sexuelle ne sont pas modifiables, mais d'autres peuvent être traités par des changements comportementaux ou avec un suivi médical. Par exemple, certains antidépresseurs ont moins d'effets sur la fonction sexuelle, et un traitement contre la dépression peut améliorer les troubles malgré la prise d'ISRS (17, 18). De même, il a été démontré que certains traitements de l'endométriose diminuent les dysfonctionnements sexuels causés par cette affection, tandis que d'autres sont moins efficaces (19).
Il a été démontré que l’augmentation de l'activité physique plus a un effet positif sur la fonction sexuelle (5, 12, 13). Dans une étude portant sur des femmes diabétiques, chaque équivalent métabolique (MET) diminuait significativement le risque de dysfonctionnement sexuel féminin de 9 % (13). Parallèlement, dans cette étude sur les femmes iraniennes mentionnée précédemment, les personnes qui déclaraient faire de l'exercice plusieurs fois par semaine étaient deux fois plus susceptibles de signaler un dysfonctionnement sexuel féminin que celles qui déclaraient faire de l'exercice tous les jours (5). Les personnes déclarant faire rarement de l’exercice ou jamais étaient trois fois plus susceptibles de rapporter un dysfonctionnement sexuel féminin (5).
La contraception hormonale
Certaines études font débat sur la correlation entre contraception hormonale et diminution de l'intérêt sexuel, mais ce lien ne semble pas se vérifier chez la majorité des personnes (20-22).
Dans une étude sur la relation entre les dysfonctionnements sexuels et les contraceptifs hormonaux, environ 15 % des utilisateur·ices de pilules oestroprogestatives en ont rapporté les effets négatifs sur leur sexualité, cet effet étant principalement lié aux pilules contenant de faibles doses d'œstrogènes. La majorité n'a signalé aucun changement dans la fonction sexuelle, qu'il soit positif ou négatif (20).
La protection contre la grossesse offerte par la contraception hormonale peut améliorer l'expérience sexuelle de certaines personnes en leur offrant une plus grande tranquillité d'esprit.
Dans le cadre d'un essai randomisé contrôlé, les femmes à qui l'on a prescrit une contraception oestroprogéstative ou un anneau vaginal hormonal ont fait état d'une amélioration de leur fonctionnement sexuel dans plusieurs catégories, par rapport aux femmes ne prenant pas de contraception hormonale, au bout de trois et de six mois d'utilisation (21). Les femmes prenant l'un ou l'autre de ces contraceptifs ont indiqué être moins anxieuses ainsi qu’une augmentation statistique de l'initiative, des orgasmes et leur intensité par rapport aux femmes n'utilisant pas de contraception hormonale (21).
Certaines études ont obtenu des résultats opposés, bien que les résultats soient moins clairs. Dans une étude portant sur plus de 1 000 femmes, les scientifiques ont constaté que les personnes sous contraception hormonale étaient deux fois plus susceptibles de souffrir d'une altération de la fonction sexuelle (notamment d'une diminution des orgasmes et de l'excitation). Cependant, l’équipe de recherche pas précisé quelle était la différence entre ces catégories lorsque des facteurs secondaires importants, comme l'âge ou le fait d'avoir des partenaires sexuel·le·s régulier·e·s, étaient pris en compte, ce qui rend difficile l'évaluation de ces changements lorsque d'autres facteurs sont pris en compte (22).
Facteurs extérieurs
Des facteurs extérieurs, tels que l'histoire personnelle ou le·la partenaire, peuvent également influencer la vie sexuelle d'une personne. Ces influences peuvent être directes ou induites par des facteurs tels que la dépression ou l'état de santé général.
Il a été démontré que les antécédents de mauvais traitements sont associés négativement à la fonction sexuelle, mais pas pour toutes les femmes (4, 12, 23, 24). Dans une étude, les femmes qui ont été victimes d'abus sexuels dans leur enfance étaient plus susceptibles de rapporter des réponses négatives lorsqu'elles discutaient de leur sexualité ou pendant l'excitation (23). À l'inverse, dans une étude portant sur les femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes (FF), aucun lien n'a été trouvé entre les agressions sexuelles et les troubles sexuels, quel que soit le sexe de la personne agressée, bien que les FF soient deux à trois fois plus susceptibles d'être victimes d'agressions que les femmes hétérosexuelles (24).
La·le partenaire d'une personne a une grande influence sur son expérience sexuelle.
Dans la même étude menée auprès de femmes iraniennes, plus de 7 femmes sur 10 souffrant de dysfonctionnement sexuel ont déclaré que celui-ci était dû à des problèmes interpersonnels avec leur partenaire. Plus de 8 personnes sur 10 ont déclaré que leur dysfonctionnement était causé par les capacités sexuelles de leur partenaire (5). De même, une étude portant sur des femmes hétérosexuelles italiennes souffrant de dysfonctionnement sexuel a montré que l'intérêt du partenaire d'une femme pouvait avoir une incidence plus forte sur sa sexualité que n'importe quel dysfonctionnement sexuel de son partenaire (25).
Les femmes qui ont des rapports sexuels avec des femmes ( FF) éprouvent parfois des effets sexuels différents de ceux des femmes qui ont des rapports avec des hommes. Une étude portant sur plus de 1 500 FF a révélé que de nombreux facteurs associés à la dysfonction sexuelle, tels que l'âge, le diabète et le statut ménopausique, ne lui étaient pas corrélés (24). Bien que ces facteurs puissent affecter physiquement les FF différemment, selon l'auteur, il se peut que les FF pratiquent des formes de sexe différentes de celles des femmes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, et donc que leurs activités sexuelles soient moins affectées par les effets secondaires du diabète ou de la ménopause (25). Cette idée met en évidence la subjectivité de la recherche sur les dysfonctionnements sexuels, et souligne que les dysfonctionnements sexuels ne sont pas nécessairement synonymes d'insatisfaction sexuelle.
Si vous n'êtes pas satisfait de votre fonction sexuelle, envisagez d'en parler à votre médecin·e. Les dysfonctionnements sexuels sont courants et il est normal qu'une personne connaisse des changements dans sa vie sexuelle.
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